Comment rendre les ZFE-m socialement acceptables ?
La liberté de circuler est-elle supérieure à la liberté de respirer un air sain ? En matière d’environnement, qu’il s’agisse de pollution de l’air ou de dérèglement climatique, nous faisons souvent face à des injonctions contradictoires.
Les politiques publiques sont chargées de résoudre ces injonctions (le moins mal possible) en plaçant finement le curseur entre efficacité environnementale et acceptation sociale.
Après la taxe carbone en 2018, qui avait catalysé le mouvement des Gilets Jaunes, une autre mesure suscite la colère de certains Français : les Zones à Faibles Émissions mobilité (ZFE-m).
Le Sénat vient de réaliser une consultation publique pour recueillir l’avis de nos concitoyens. Âmes sensibles s’abstenir…
C’est quoi les ZFE ?
Le principe est simple : un périmètre est défini au sein d’une agglomération. À l’intérieur de ce périmètre, les véhicules les plus polluants subissent des restrictions de circulation.
Ces restrictions peuvent survenir de façon temporaire (en cas de pic de pollution par exemple) ou de façon définitive (en bannissant certains véhicules).
L’objectif de cette mesure est de limiter la pollution atmosphérique en ciblant les véhicules aux vignettes Crit’Air les plus élevées. L’objectif est louable et ambitieux, car il vise une réduction de 40% de la pollution de l’air en ville d'ici à 2025.
Aujourd’hui au nombre de 11, les ZFE-m sont amenées à se généraliser sur le territoire. Nous devrions en compter 43 en 2025, soit toutes les agglomérations de plus de 150 000 habitants.
Si le principe général est simple, les modalités d’application le sont beaucoup moins ! En effet, chaque agglomération peut décider :
- de l’étendue du périmètre
- du type de véhicule (léger ou non) auquel s’applique la règle
- de la catégorie de vignette Crit’Air concernée
- d’interdire ponctuellement ou définitivement l’accès au périmètre
- du calendrier de déploiement
- d’éventuelles dérogations
- d’effectuer des contrôles ou non
Si cette souplesse permet d’adapter la mesure aux spécificités locales, force est de constater qu’elle produit aussi une certaine confusion.
Qu’en pensent les Français ?
Précisons-le d’emblée : la consultation organisée par le Sénat n’est pas un sondage représentatif de la population.
Cependant, avec 51 300 participants, la mobilisation a été extrêmement forte. C’est un record absolu pour une consultation de ce type, ce qui démontre le caractère sensible du sujet. La consultation pour la limitation à 80 km/h sur les routes départementales n’avait mobilisée que 23 000 participants.
À la lecture des résultats de cette consultation, le rejet semble être massif : 86 % des particuliers et 79 % des professionnels ont exprimé leur opposition aux ZFE-m.
En regardant les résultats plus en détail, on observe 3 corrélations très fortes :
- Lieu de résidence : plus les personnes interrogées habitent loin du centre-ville, plus ils sont opposés à la mesure.
- Alternative : moins les répondants disposent d’alternatives à la voiture, plus ils sont opposés à la mesure.
- Catégorie Socio-Professionnelle (CSP) : plus la catégorie est « élevée », plus les sondés sont favorables à cette mesure.
Ce dernier point d’ordre social est absolument crucial et transparait clairement dans le verbatim de certains répondants :
« Il s’agit d’une mesure technocratique qui de surcroît crée une véritable rupture d’égalité d’accès au centre de ville selon que vous soyez aisé ou non »
« C’est de l’exclusion sociale pure »
« Il y a une discrimination flagrante entre les différents citoyens, il y a ceux qui ont les moyens de suivre la technologie requise et les autres »
Pour autant, la grande majorité des répondants reconnaît l’efficacité du dispositif pour améliorer la qualité de l’air. Nous sommes donc pleinement au cœur d’un sujet d’acceptation sociale.
Pourquoi les Français semblent y être hostiles  ?
La consultation du Sénat a permis de faire émerger** **les principaux freins à l’acceptabilité sociale des ZFE-m.
Un problème de forme est pointé : les ZFE-m auraient été instaurées trop rapidement et sans suffisamment de concertation.
Les freins principaux portent malgré tout sur le fond du sujet à travers 3 écueils :
- Coût d’acquisition d’un véhicule propre trop élevé (77% des répondants)
- Insuffisance de l’accessibilité à la métropole depuis les zones périurbaines ou rurales avoisinantes (51%)
- Insuffisance de l’offre de services et d’infrastructures de transport alternatifs à la voiture individuelle dans l’agglomération (42%)
C’est donc le manque d’alternatives qui est pointé du doigt. Les Français ne perçoivent pas de solutions alternatives à la voiture individuelle bannie des ZFE-m.
Bonne nouvelle : il y en a  !
Existe-t-il des solutions alternatives  ?
C’est probablement là que s’arrête le parallèle avec le relèvement de la taxe carbone en 2018 et la colère sociale exprimée dans le mouvement des Gilets Jaunes. En effet, à l’époque, les alternatives n’existaient pas ou peu.
Regardons désormais ce qui a été mis en place pour offrir des alternatives à l’autosolisme en agglomération.
Aides à l’achat d’un nouveau véhicule :
On ne le sait pas forcément, mais des aides spécifiques existent pour les personnes qui habitent ou travaillent en ZFE-m. La prime à la conversion est ainsi majorée et des prêts à taux zéro ont été mis en place.
Du côté des entreprises, le TCO des véhicules électriques est devenu progressivement très compétitif face aux véhicules thermiques. Elles peuvent donc avoir un intérêt économique au « verdissement » des flottes.
L’essor du vélo :
La pandémie a dopé la pratique du vélo. C’est désormais un moyen de déplacement domicile-travail à part entière.
Les pistes cyclables se sont multipliées, les aides à l’acquisition d’un vélo électrique sont apparues, des vélos en free-floating sont accessibles dans la rue.
Du côté des entreprises, le vélo partagé (des vélos sont mis à la disposition des salariés) ou le vélo de fonction (un vélo est attribué à un salarié sur le même principe qu’une voiture de fonction) peuvent offrir une solution alternative pertinente.
Le Forfait Mobilités Durables :
Instauré en 2020, le Forfait Mobilités Durables donne les moyens aux salariés de financer des alternatives à la voiture individuelle pour le trajet domicile-travail.
Le principe est simple : l’entreprise peut verser jusqu’à 700 euros par an et par salarié. Ce montant est destiné à accompagner l’usage des mobilités douces pour les déplacements entre le domicile et le lieu de travail.
Le plafond peut même atteindre 800 euros lorsque l'employeur prend en charge le Forfait Mobilités Durables ET l'abonnement aux transports en commun.
Le Forfait Mobilités Durables peut permettre de financer l’achat d’un vélo et de ses équipements. Il peut servir pour le covoiturage. Ce montant permet aussi d’utiliser les modes de déplacements partagés en libre-service comme les trottinettes ou des scooters par exemple. Il est même utilisable pour les transports en commun !
Le Crédit Mobilité :
Avec ce dispositif, lui aussi très récent, le salarié renonce à son véhicule de fonction et bénéficie « en échange » d’une compensation financière sous forme de «cagnotte mobilités». Cette cagnotte est ensuite utilisable pour financer ses déplacements professionnels ou privés.
Le Crédit Mobilité peut être partiel: le salarié remplace son véhicule actuel par un modèle de catégorie inférieure ou par un vélo de fonction assorti d’une cagnotte mobilités complémentaire.
Le Crédit Mobilité peut être total: le salarié renonce complètement à un moyen de déplacement de fonction et reçoit la totalité du montant dans sa cagnotte mobilités.
Quel avenir pour les ZFE-m  ?
D'ici à 2025, nous allons passer de 11 agglomérations avec ZFE-m à 43. C’est un élargissement massifdu dispositif à l’ensemble des agglomérations de plus de 150 000 habitants.
Pour que ce déploiement soit socialement acceptable, les Français doivent pouvoir bénéficier d’alternatives au véhicule individuel. C’est précisément le message remonté dans la consultation organisée par le Sénat.
Les alternatives existent! Elles sont efficaces, mais demeurent relativement confidentielles. Elles doivent désormais passer à l’échelle pour s’adresser au plus grand nombre.
Avec le FMD ou le Crédit Mobilité, les entreprises peuvent catalyser cette révolution en offrant à leurs collaborateurs les moyens du choix et de la flexibilité.