Adaptation de la mobilité au changement climatique : l’exemple de Bordeaux
« Les efforts d'adaptation commencent à être institutionnalisés en France, mais restent en décalage par rapport aux vulnérabilités et aux besoins. Un changement d'échelle dans l'adaptation […] est essentiel pour mieux anticiper les conséquences du réchauffement et limiter les impacts ».
Ces mots, issus du dernier rapport du Haut Conseil pour le Climat (HCC), mettent en lumière l’indispensable sujet de l’adaptation au dérèglement climatique.
La mobilité est particulièrement concernée par cette problématique. En effet, comment se déplacer en sécurité et confortablement lors d’épisodes caniculaires ? Comment protéger nos infrastructures de transport face aux crues ou aux submersions ? Hélas, la liste est loin d’être exhaustive tant les risques climatiques sont nombreux et impactent potentiellement la mobilité.
Partons à la rencontre d’un bon élève en la matière : la ville de Bordeaux et son réseau de transport public.
L’adaptation au changement climatique
On a coutume de dire qu’en matière de dérèglement climatique, le combat s’articule autour de deux leviers complémentaires :
- L’atténuation, c’est-à -dire réduire nos émissions pour limiter le réchauffement et ses effets
- L’adaptation qui consiste à préparer nos sociétés à faire face aux impacts à venir du dérèglement climatique
C’est d’ailleurs ce qu’on retient du titre du dernier rapport du HCC : Tenir le cap de la décarbonation, protéger la population », en d’autres mots : atténuer et adapter.
Concernant l’adaptation, la France dispose du Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC) qui a pour objectif de préparer le pays à un réchauffement de +4° en 2100.
Si la réduction des émissions est factuellement engagée en France1 , nous sommes en retard en matière d’adaptation.
Ce retard est préoccupant face aux risques qui s’intensifient au fur et à mesure de l’aggravation du réchauffement climatique.
Quel est le rapport avec la mobilité ?
Le centre de ressources2 pour l’adaptation au changement climatique dresse la liste les principaux impacts sur la mobilité :
- Sur les infrastructures : la hausse des températures peut affecter les infrastructures (dégradation, vieillissement anticipé) et perturber le service. Le risque pour les infrastructures est aussi élevé avec les inondations, les mouvements de terrain, les retraits-gonflements des argiles…).
- Sur la navigation : le niveau des fleuves peut baisser dans le futur et perturber le transport de marchandises
- Sur les mobilités actives et la mobilité des voyageurs : les épisodes caniculaires peuvent affecter le confort des déplacements, notamment à vélo, marche ou transports en commun.
- Sur le tourisme : les zones touristiques (et donc les flux de mobilité) peuvent se modifier avec le changement climatique. On pense par exemple aux stations de ski de moyenne montagne.
- Sur la distribution spatiale de la population : les risques ou les évènements climatiques peuvent modifier les lieux d’habitation des populations et donc les flux de mobilités associés.
Nous ne sommes pas égaux face à ces risques et certaines populations sont particulièrement exposées selon leur lieu d’habitation ou leur condition (personnes âgées…).
Comment s’adapter ? En matière d’adaptation, il existe un maître mot : anticipation.
C’est d’ailleurs ce que précise le centre de ressources : « adapter la mobilité au changement climatique consiste à anticiper en réduisant la vulnérabilité d’un système ou d’un service de transport. »
Parfait pour la théorie, qu’en est-il concrètement ?
L’exemple Bordelais !
Direction Bordeaux, et son réseau de transport en commun, pour observer ce qui se pratique en matière d’adaptation au dérèglement climatique. En effet, Bordeaux est une ville pionnière qui s’est dotée d’un plan ambitieux pour se préparer.
Bordeaux a d’abord sollicité un bureau d’étude spécialisé pour comprendre ses vulnérabilités : la ville constate et anticipe deux paramètres climatiques : une élévation des températures et une perturbation du régime des précipitations. Trois aléas naturels sont aussi identifiés : inondations, incendies et mouvements de terrain.
Une fois ces paramètres établis, il convient d’identifier les risques qu’ils font porter aux infrastructures, aux collaborateurs et aux usagers.
Voici quelques risques identifiés :
- Un dépôt en bord de Garonne est particulièrement exposé au risque de submersion
- Les canicules peuvent induire des risques physiologiques pour les collaborateurs. Elles peuvent aussi atteindre un niveau qui altère le fonctionnement des installations.
- Les crues et le ruissellement peuvent menacer certaines installations électriques, et donc le fonctionnement du réseau.
- Les feux de forêt peuvent atteindre des câbles ou des antennes. Ils peuvent aussi se situer sur le trajet domicile-travail de certains collaborateurs et les empêcher de venir travailler.
Cette liste non exhaustive pose la question de la résilience du système de transport face aux aléas climatiques.
Tout l’enjeu porte alors sur l’anticipation pour adapter préventivement le système et les habitudes de circulation à ces risques. C’est précisément ce qu’ont engagé les parties prenantes avec plusieurs mesures concrètes :
- Pose de film anti UV : ces fims transparents disposés à l’extérieur des vitres du tramway pourraient faire baisser la température intérieure de 6 à 9°.
- Peinture blanche en toiture de tram : cette peinture sera disposée sur les capots de climatiseurs pour réfléchir les rayons du soleil et éviter les pannes. Une rame sans climatisation doit rentrer au dépôt. C’est donc un enjeu majeur de continuité d’exploitation.
- Mise en œuvre d’un système fraicheur : c’est un système pour renouveler l’air intérieur sans faire entre de l’air chauf extérieur, là encore pour gérer les températures caniculaires.
- Procédure canicule à destination des collaborateurs. Un plan à 3 niveaux est déclenché 5 jours avant l’épisode. Il prévoit de conducteurs supplémentaires, des distributions de gourdes isothermes, des gilets fraicheur… 23 sites ont aussi été identifiés et aménagés avec des climatiseurs et des réfrigérateurs pour que les collaborateurs effectuent leurs pauses dans de bonnes conditions.
Votre entreprise s’est-elle adaptée aux risques climatiques ?
Ce qui est pertinent à l’échelle d’un pays ou d’une ville l’est aussi à l’échelle d’une entreprise.
Quel est le niveau de vulnérabilité de votre entreprise face aux risques climatiques ? Comment les identifier et se préparer pour accroître ses capacités de résilience ?
La mobilité, qu’elle concerne les collaborateurs, les marchandises, les clients, ou toute autre partie prenante, n’échappe pas à ces questions.
Des questions qui seront cruciales pour la pérennité des organisations dans les années à venir. C’est la raison pour laquelle la règlementation (par exemple la CRSD) pousse les entreprises à s’interroger en profondeur sur leur niveau d’adaptation aux risques climatiques.
Bonne nouvelle, c’est précisément le sujet de l’article de la semaine prochaine !