Les entreprises face au défi de l’adaptation au changement climatique
Comment se préparer et s’adapter aux conséquences du dérèglement climatique ? Ce qui est valable à l’échelle d’un territoire fait aussi sens pour une entreprise.
C’est le sujet passionnant que nous avons traité la semaine dernière avec le cas de la ville de Bordeaux et son réseau de transports en commun. Ce qui est valable à l’échelle d’un territoire fait aussi sens pour une entreprise. Quelles sont mes vulnérabilités ? Comment prévoir les phénomènes à venir ? Comment s’y adapter pour gagner en résilience ? Eléments de réponse ci-dessous !
Les risques physiques et les risques de transition en entreprise
Le sujet du climat est souvent abordé en entreprises sous l’angle de l’atténuation. On se demande comment réduire ses émissions de gaz à effet de serre pour faire sa part et atténuer le réchauffement climatique. Or, le sujet du dérèglement climatique doit nécessairement s’aborder avec 2 leviers complémentaires :
- L’atténuation, c’est-à -dire réduire nos émissions pour limiter le réchauffement et ses effets,
- L’adaptation qui consiste à se préparer à faire face aux risques et aux impacts à venir du dérèglement climatique. Les entreprises ne sont pas et ne seront pas épargnées par les risques climatiques. Mais qu’entendons-nous par risques climatiques ?
Nous pouvons identifier 2 types de risques climatiques :
- Les risques physiques : exposition aux impacts physiques du dérèglement climatique (canicules, sécheresse, inondations, élévation du niveau de la mer…),
- Les risques de transition : exposition aux risques induits par une transition vers une économie bas carbone (fiscalité, prix des énergies fossiles, règlementation, évolution des consommateurs…).
Ces risques portent sur l’ensemble de la chaîne de valeur de l’entreprise et sur son propre business model. Prenons 2 exemples concrets dans l’industrie automobile pour illustrer ces risques. Un épisode de sécheresse sévère à Taïwan peut arrêter une usine Peugeot plusieurs semaines à Sochaux. C’est ce qui s’est produit en 20211 avec la pénurie de semi-conducteurs, provoquée, en partie, par le manque d’eau, indispensable à la production de ces composants. La sécheresse est un risque physique qui pèse sur les constructeurs automobiles. Restons dans le secteur de l’automobile avec l’interdiction de vendre des véhicules thermiques neufs à partir de 2035 en Europe. Cette règlementation pour aller vers une économie bas carbone est un risque de transition pour les constructeurs automobiles. Mauvaise nouvelle : quel que soit le scénario à venir, votre entreprise sera confrontée à l’un des 2 risques ou à une combinaison des 2.
Niveaux des risques physiques et de transition à horizon fin du siècle selon différents scénarios de réchauffementC’est ce que montre ce graphique très parlant :
- Dans un scénario de réchauffement contenu (la partie gauche du graphique), nous subirons peu de risques physiques car le réchauffement climatique aura été atténué. En revanche, pour y parvenir, nous aurons mené une transition rapide et radicale, ce qui maximise le risque de transition,
- Dans un scénario de réchauffement très élevé (la partie droite du graphique), nous subirons des risques physiques accrus. De fait, le risque de transition ne se matérialisera pas, car ce niveau de réchauffement signifie que nous n’aurons pas réalisé de transition radicale.
D’excellentes raisons de se préparer
Les entreprises qui seront les mieux préparées bénéficieront d’un avantage compétitif décisif lorsque ces risques surviendront.
Le moment est venu pour les entreprises de s’interroger sur leur niveau de vulnérabilité face aux risques climatiques.
Reprenons nos 2 exemples précédents.
Identifier un risque critique sur l’approvisionnement en semi-conducteurs avec la sécheresse peut permettre en amont de revoir sa stratégie de stocks, de nouer des partenariats renforcés avec les fournisseurs, de diversifier ses sources d’approvisionnement…
De la même manière, anticiper la fin du véhicule thermique en amont de la règlementation aurait pu permettre à certains constructeurs d’engager plus rapidement leur transition vers une production de véhicules électriques.
L’accélération du changement climatique accroit les risques physiques inhérents, mais aussi les risques d’une transition menée dos au mur, et donc à marche forcée.
Les autorités l’ont bien compris et incitent les entreprises à se questionner sur ces risques. C’est notamment un des aspects de la CSRD, la nouvelle règlementation européenne en matière de reporting extra-financier. La CSRD oblige les entreprises à établir une cartographie ou une matrice des risques climatiques.
La cartographie s’établit souvent selon 2 axes : la probabilité de survenance et la gravité. Un risque qui serait considéré à la fois comme très probable et très grave ferait alors immédiatement l’objet d’un plan d’adaptation.
Par mobilité, on peut entendre mobilité des collaborateurs, des clients, des marchandises. Comment une entreprise peut-elle continuer à opérer si sa mobilité est entravée ? C’est une question vertigineuse tant les entreprises, quel que soit leur secteur, dépendent des mobilités. Concentrons-nous ici sur un seul exemple avec une entreprise qui disposerait d’une flotte de véhicules thermiques pour aller réaliser des opérations chez ses clients. Cette flotte est, de fait, au cœur de son business model car elle rend possible les opérations qui créent de la valeur. Quelles sont les vulnérabilités de cette flotte ?
- Risques physiques : mes parkings sont-ils exposés à des risques d’inondation ? En cas de sécheresse (pénuries de semi-conducteurs), suis-je en mesure de renouveler ma flotte au rythme nécessaire ? Les épisodes caniculaires impactent-ils mes collaborateurs dans leur capacité de déplacement ? Puis-je opérer à distance si les conditions climatiques entravent la circulation (feux, chute d’arbres avec les tempêtes…) ?
- Risques de transition : quel sera mon surcoût si le prix des énergies fossiles s’envole ? Suis-je prêt à passer au véhicule électrique si la règlementation (LOM par exemple) se durcit sur le véhicule thermique ? Comment réagir si mes clients pointent l’impact écologique de mes véhicules thermiques ? Quel serait l’impact de l’intronisation d’une taxe carbone pour mon compte de résultat ? Quid de l’impact du durcissement du malus écologique ? Ma flotte est-elle adaptée en cas de renforcement des ZFE (zones à faibles émissions) ? Cette liste est évidemment loin d’être exhaustive et dépend de chaque cas particulier. En réalisant cet exercice, l’objectif n’est pas de se faire peur. C’est en réalité tout le contraire. L’anticipation et l’adaptation permettent de piloter l’entreprise sereinement, tout en ayant un coup d’avance sur ses concurrents.